Alors que les Grecs sont déconfinés depuis le 4 mai, Athènes a annoncé samedi 20 juin une quatrième prolongation des mesures de quarantaine pour les milliers de migrants vivant dans les camps surpeuplés et insalubres du pays. Stephan Oberreit, chef de mission en Grèce pour Médecins sans frontières, s’inquiète des conséquences de ces mesures jugées « discriminatoires ». Entretien.
InfoMigrants : Comment les migrants vivent-ils cette énième prolongation du confinement dans les camps ?
Stephan Oberreit : « Cet enfermement crée un sentiment d’injustice et de frustration énorme. La tension monte, particulièrement dans le camp de Moria où nous sommes implantés. Les quelque 18 000 migrants qui y sont entassés ont du mal, à cause du confinement, à faire des achats, à aller en ville. Ce n’est certainement pas avec ce qui leur est donné comme nourriture que ça sera suffisant. Il est donc d’autant plus important pour eux de pouvoir faire quelques courses ou encore d’avoir la possibilité de se rendre dans certaines structures médicales qui se trouvent en dehors du camp.
Ces réfugiés ne représentent pas un danger en tant que tel, ce sont eux qui sont en danger compte-tenu de leurs conditions de vie. Ils ont écouté les nouvelles, ils savent très bien que normalement ils devraient tenir leurs distances physiques et se laver les mains. Or, ce n’est pas davantage possible aujourd’hui que ça ne l’était lorsque la pandémie est arrivée en Europe et que tous les ministères de la Santé ont imposé les gestes barrières. Il est, par exemple, totalement impossible pour un migrant qui présenterait de la fièvre de s’isoler des autres, il n’y a pas la place. Dans certaines zones du camp de Moria, à la fin mars, on ne comptait qu’un seul robinet d’eau accessible pour 1 300 personnes. À la fin avril, on dénombrait 210 personnes par toilette et plus de 630 par douche.
Ces mesures de confinement que l’on peut qualifier de discriminatoires deviennent de plus en plus difficiles à vivre, d’autant plus que le gouvernement grec est en train de rouvrir le pays au tourisme mais il continue de garder les réfugiés enfermés. »