Voilà sept ans qu’Antonio* a appris à réparer des chaussures pour envoyer de l’argent au Mozambique. Une fille de 8 mois et une femme qu’il ne voit pratiquement jamais l’attendent là-bas. Arrivé en Afrique du Sud en 2013, il pouvait gagner 5 000 rands (quelque 250 euros) par mois avant l’arrivée du Covid-19. Depuis, plus grand monde n’a de chaussures à faire réparer. La vieille basket qu’il s’applique à recoudre sur un trottoir de Soweto ce jour-là lui rapportera 25 rands (1,30 euro).
Antonio, 26 ans, n’arrive plus à payer le loyer, il peut tout juste acheter à manger. Les distributions alimentaires ? Ça ne lui a pas vraiment traversé l’esprit. Il sait qu’il n’y a rien pour lui dans les files d’attente, Antonio est un « étranger ».
Il n’a pas tort. Fin mars, l’Afrique du Sud a entamé un confinement total d’un mois pour freiner la propagation du coronavirus. Le président Cyril Ramaphosa annonce des aides d’urgence mais, sur le terrain, les ONG constatent que les étrangers sont exclus des distributions alimentaires.
« En théorie, ceux qui ont des documents sud-africains peuvent y accéder, mais une bonne partie des migrants n’a pas de papiers. Les associations ne font pas de différence, le gouvernement si », explique le professeur Loren Landau, de l’African Center for Migration and Society, à Johannesburg.
Relations complexes avec ses immigrés
Parmi les 3,6 millions d’étrangers établis en Afrique du Sud selon le gouvernement, les sans-papiers qui vivent d’économie informelle, comme Antonio, voient leurs revenus s’évanouir. Les premières semaines, les associations ont peiné à les atteindre, alors que l’administration centralisait les distributions et éditait les listes de bénéficiaires.
On ignore combien de migrants illégaux vivent dans le pays mais, en 2019, 190 000 personnes étaient en attente de décision administrative, parfois depuis plusieurs années, selon un rapport d’Amnesty International. « Beaucoup devraient être en règle depuis longtemps. Les procédures sont parasitées par une xénophobie institutionnalisée », estime Sharon Ekambaram, du programme Réfugiés et migrants de Lawyers for Human Rights.